Le 16 mai 2011

L'Estudiantine : une coop d'habitation étudiante en plein cœur du centre-ville

Josée Beaudoin

En août 2006, Élisabeth Thériault quitte Québec pour venir étudier le droit à l'Université de Sherbrooke. Le pincement au cœur qu'elle ressent en voyant ses pa­rents refermer la porte de son premier appartement est alors chassé par l'arrivée du voisin. François, du 101, cogne à toutes les portes pour faire connaissance. À peine une heure plus tard, une bande de joyeux lurons se prépare un grand souper de spaghettis improvisé. Les étudiants sortent à pied rue Wellington, car leur résidence, la coopérative L'Estudiantine, est au cœur du centre-ville de Sherbrooke.

Les prémices d'une coopération

Peu de temps après son arrivée, Élisabeth Thériault devient membre du conseil d'administration de la coop de sa résidence étudiante. «C'est une occasion pour nous d'avoir un pouvoir sur notre milieu de vie», explique-t-elle. Il faut dire que l'Estudiantine constitue une coop nouveau genre. Il s'agit de la première coopérative d'habitation pour étudiants hors campus au Québec. «Habiter en dehors du campus permet aux é­tu­diants d'élargir leurs horizons, et cela les incite à se promener davantage. C'est un plus pour la communauté universitaire, pour les étudiants et pour la Ville», résume Hugues Grand'Maison, le représentant de l'Université au conseil de l'Estudiantine.

La coop est située à deux pas du terminus d'autobus et d'une microbrasserie installée dans l'ancienne gare de chemin de fer du centre-ville. Le projet a permis la revitalisation d'une section de la rue Wellington sud : un garage désaffecté, un immeuble de bureaux et une ancienne usine d'embouteillage de Coca-Cola se dressaient là à une époque. «Cette première phase est le résultat d'importantes rénovations et de nouvelles constructions, mais elle a surtout exigé une formidable collaboration entre le monde universitaire, le monde municipal et le monde coopératif», explique Karine Lavertu, membre de soutien de la coop.

Les élus et les responsables du milieu coopératif ont dû en effet être attentifs aux besoins des étudiants. Ce sont les étudiants, ceux-là mêmes qui ont amorcé ce projet de coopérative au centre-ville, qui ont exigé que le bâtiment respecte des critères environnementaux élevés. Jacques Côté, de la Coopérative d'habitation des Cantons-de-l'Est, a assumé la direction des travaux jusqu'à leur a­chè­ve­ment. Il a été mandaté par l'Université pour étudier la faisabilité du projet.

«Lorsque j'ai présenté le projet, en 2005, le conseil d'administration formé d'étudiants m'avait fait part de ses préoccupations environnementales. Bien sincèrement, je croyais que cette rencontre demeurerait sans suite. Je me suis complètement trompé! Karine Lavertu a pris les choses en main et, le 19 janvier 2006, je recevais un document intitulé Mémoire sur l'efficacité énergétique et la conception durable de l'Estudiantine. Ce document contenait les demandes des étudiants.»

Résultat : la coopérative est aussi le premier immeuble à logements multiples certifié Novo-Climat à Sherbrooke. Une certification qui implique notamment une meilleure qualité d'air à l'intérieur, des appartements mieux isolés, plus confortables et sans infiltration d'air, ainsi que l'accès à des espaces verts en plein centre-ville. Selon les calculs du prologiciel d'Hydro-Québec, l'Estudiantine devrait épargner 16 000 $ annuellement en frais d'électricité.

Un projet rêvé par les étudiants

Pour trouver l'origine de la fondation de l'Estudiantine, il faut remonter à novembre 2004. La Fédération étudiante de l'Université de Sherbrooke (FEUS) présente alors un mémoire traitant de la pénurie de logements à Sherbrooke et de la hausse du coût des loyers. La recommandation : construire de nouvelles résidences gérées par une coo­pé­rative étu­diante. Un sondage indique également qu'un pourcentage important d'étudiants désirent demeurer au centre-ville et partager un appartement plutôt que d'opter pour une chambre individuelle sur le campus.

Août 2006 : on inaugure officiellement la première phase de l'Estudiantine, située rue Dépôt, en plein cœur du centre-ville de Sherbrooke. Depuis, la coopérative a inauguré sa phase II rue Wellington, en janvier 2007, ouvrant les portes de ses 5 appartements à 15 nouveaux résidants. Pour la phase III, dont les 36 chambres ont été achevées en septembre 2008, l'Estudiantine a fait l'acquisition de terrains voisins du Vieux Clocher, rue Galt Ouest, ainsi que du bâtiment Reine-Marie, une ancienne résidence pour personnes âgées.

La coop de solidarité permet la participation de membres de soutien. L'Estudiantine compte donc un représentant de la FEUS, un représentant de l'Université ainsi qu'un représentant du Regroupement des étudiants de maîtrise, de diplôme et de doctorat de l'Université de Sherbrooke (REMDUS). Bien que la Ville de Sherbrooke ne siège pas officiellement au conseil d'administration, elle figure parmi les membres de soutien.

Alors que chaque résidant de l'Estudiantine «s'implique» deux heures par mois, Élisabeth Thériault, elle, en donne toujours plus que la coop en demande. «Plus on en fait, plus on a le goût d'en faire!» dit-elle.

Une initiative inspirante

Un an à peine après sa fondation, l'Estudiantine remportait le prix Développement et Innovation dans le secteur habitation du 15e Gala du mérite coopératif estrien. Si le succès de la jeune coopérative est inspirant, son bâtiment de la rue Dépôt fait également tourner bien des têtes puisqu'il est l'hôte d'une murale colorée réalisée par le groupe M.U.R.I.R.S. (Murales urbaines à revitalisation d'immeubles et de réconciliation sociale). Le conseil de l'Estudiantine peut se réjouir de son choix, puisque la murale intitulée L'hôtel des voyageurs est en lice pour le concours de la plus belle fresque du monde peinte en 2008.

Un centre-ville revitalisé

En plus d'animer les commerces, les restaurants, les bars, les cafés et le cinéma qui se trouvent à proximité, la coopérative de solidarité a favorisé la nouveauté. Un centre-ville plus vivant et grouillant d'étudiants : voilà le présent qu'offre l'Estudiantine à la cité sherbrookoise. «Je ne suis pas certaine que la microbrasserie La Siboire aurait ouvert ses portes dans les locaux de l'ancienne gare sans la création de l'Estudiantine juste à côté», dit Karine Lavertu. De plus, le libre accès au transport en commun et la gare d'autobus située à deux pas favorisent la découverte.